Un départ discret après une peine intégralement purgée
Le 12 juin 2025, le général-major à la retraite et ancien candidat à la présidentielle Ali Ghediri a quitté la prison de Koléa, mettant ainsi fin à six années d’incarcération qui auront profondément marqué le paysage politique algérien. Contrairement à d’autres détenus qui ont bénéficié de mesures de grâce, Ali Ghediri a purgé la totalité de la peine de 6 ans prononcée contre sa personne.
L’administration pénitentiaire envisageait initialement de procéder à sa libération à minuit, heure exacte de l’expiration de sa réclusion. Finalement, l’ancien officier supérieur a pu retrouver sa famille et ses proches dans l’après-midi de ce jeudi historique.
Une trajectoire exceptionnelle brisée net
Ali Ghediri incarnait une figure atypique dans le paysage politique algérien. Après une carrière militaire brillante de 42 ans, le général-major prend sa retraite en 2015. Mais contrairement à la plupart de ses pairs, il choisit de ne pas observer le temps de réserve habituel imposé aux militaires. Dès l’été 2016, il se lance dans l’arène politique en publiant des tribunes critiques à l’égard du système en place.
En 2019, il se porte candidat à la présidentielle avortée d’avril, une initiative inédite dans un pays où l’armée joue un rôle central. Cette audace politique lui vaudra l’hostilité de l’establishment militaire, notamment celle du défunt chef d’état-major Ahmed Gaïd Salah.
L’engrenage judiciaire : de l’interview à la condamnation
L’arrestation d’Ali Ghediri intervient le 12 juin 2019, en pleine effervescence du Hirak, ce mouvement populaire qui a contraint Abdelaziz Bouteflika à la démission. Le motif de son incarcération repose sur une interview accordée au journal El Watan, dans laquelle il appelait l’institution militaire à assumer ses responsabilités pour garantir une transition constitutionnelle.
Ces propos, perçus par les autorités comme une tentative de démoralisation de l’armée, lui valent une accusation lourde. Dans un premier temps condamné à quatre ans de prison ferme, le général voit sa peine considérablement alourdie. En mai 2023, la Cour criminelle d’appel d’Alger le condamne à six ans de prison ferme, avec confiscation de biens et privation de ses droits civils et politiques pendant dix ans.
Un dossier au parfum politique
Pour ses défenseurs, dont Maître Nabila Slaïmi, ce dossier revêt un caractère éminemment politique. Le général Ghediri, qui se considérait comme un patriote désireux de contribuer au redressement national, a toujours clamé son innocence. Il dénonçait une justice instrumentalisée pour museler les voix dissidentes.
L’aggravation de sa peine, survenue à quelques semaines de sa libération initialement prévue, a été perçue par beaucoup comme une volonté de prolonger arbitrairement sa détention. La justice lui reprochait d’avoir porté atteinte au moral des troupes en temps de paix, une accusation que l’intéressé a toujours contestée avec vigueur.
Une sortie dans un contexte tendu
La libération d’Ali Ghediri intervient dans un climat politique particulièrement contraint. Cette sortie de prison ne doit pas occulter les défis persistants auxquels l’Algérie est confrontée, avec près de 250 prisonniers d’opinion encore détenus.
Le général retrouve une Algérie transformée, où les espaces de liberté d’expression se sont considérablement réduits depuis son incarcération. Sa privation de droits civiques pour dix ans l’empêche de briguer tout mandat électif jusqu’en 2033, fermant ainsi définitivement la porte à toute ambition présidentielle.
À sa sortie, aucune déclaration publique n’a été faite par l’ancien candidat, alimentant les spéculations sur ses intentions futures. Ses proches affirment qu’il souhaite avant tout retrouver sa famille et se consacrer à sa santé après ces années d’épreuve.
Un symbole controversé
Figure clivante, Ali Ghediri reste pour certains l’incarnation d’un courage politique rare dans un système verrouillé. Pour d’autres, son parcours illustre les dangers d’une opposition frontale aux structures de pouvoir profondément ancrées.
Reste que son cas pose des questions fondamentales sur l’état de la liberté d’expression en Algérie et sur la possibilité pour d’anciens militaires d’exercer pleinement leurs droits politiques une fois à la retraite. Son passage par la case prison aura duré exactement 2 192 jours, une période qu’il aura intégralement purgée, jour après jour.
L’avenir dira si cette libération marque un tournant ou si elle ne constitue qu’un épilogue judiciaire dans un paysage politique toujours aussi hermétique aux voix contestataires. Pour l’heure, Ali Ghediri a simplement retrouvé sa liberté de mouvement, mais dans un cadre juridique qui limite considérablement ses droits citoyens.













